Initialement, la chronique de cet album aurait dû tomber en mars, juste après sa sortie. Mais un fichu virus en a décidé autrement. Quelque part, ça tombe bien car il possède un côté feel good qui fait définitivement du bien en ces temps troublés. Retour sur le onzième album solo d’Ozzy Osbourne, l’ex chanteur de Black Sabbath, une décennie après Scream.
À plus de soixante-dix balais, qui eut cru que le Madman allait sortir ce qui pourrait bien être son album testament ? Il faut dire que le bougre est loin d’avoir préservé sa santé tout au long de sa carrière. Divers problèmes médicaux ont d’ailleurs retardé la commercialisation de cet opus, comme l’opération pour vaincre sa pneumonie en 2019. Tel Lemmy en son temps, il paraît increvable et ses soucis ne l’ont pas empêché pour autant d’assurer quelques dates ces dernières années, dont une au Download Festival à Paris en juin 2018. Toujours est-il qu’en 2020, Ozzy est bien de retour, plus machiavélique que jamais, à l’image de la pochette de l’album. On le retrouve ainsi au recto avec une paire d’ailes de chauve-souris et au verso en train d’uriner contre un muret, deux références à des évènements ayant défrayé la chronique en leur temps.
Mais si les visuels peuvent évoquer le passé, la musique, elle, est bien dans l’air du temps. On ressent une véritable fraîcheur dans les compositions, ce qu’on n’avait pas entendu depuis Ozzmosis (1995) à mes yeux. Même s’il y a pas mal d’effets, de backing vocals et de bidouillages studio, on ressent une sincérité dans les morceaux qui fait plaisir à entendre. « Nous l’avons enregistré rapidement, ce que je n’avais pas fait depuis le premier album de Black Sabbath », explique Ozzy dans la presse en début d’année. En effet, dans des interviews accordées à The Sun et Billboard, le musicien révèle que l’album est terminé en seulement quatre semaines. Les instrumentaux sont composés et enregistrés en quatre jours, tandis que le reste du temps est consacré aux paroles, voix, mixage et mastering.
À mesure des écoutes, les morceaux restent en tête. On ressent toute leur intensité mais aussi leurs touches mélodiques. Très efficaces, les chansons tendent plus vers la pop – le titre éponyme ‘Ordinary Man’, avec Elton John au chant et au piano – et le rock lourd période Black Sabbath (le morceau d’ouverture ‘Straight to Hell’, un véritable modèle d’énergie) que le heavy metal pur et dur. Rien d’étonnant quand on sait qu’Ozzy est un énorme fan des Beatles depuis longtemps. Cela s’entend déjà sur de vieux albums comme Bark at the Moon et ses mélodies harmonieuses, mais c’est d’autant plus flagrant sur ‘Ordinary Man’. Un morceau touchant à plus d’un titre, où les deux stars du rock british chantent sur la fin de leurs vies. « The truth is I don’t wanna die an ordinary man. »
Là où certains albums s’éparpillent avec des invités à foison, Ordinary Man n’en a que quelques uns de renom. Ainsi, Slash balance des solos de guitare dans ‘Straight to Hell’ et la balade ‘Ordinary Man’ tandis qu’on entend Tom Morello, guitariste emblématique de Rage Against the Machine, sur ‘Scary Little Green Men’ et ‘It’s A Raid’. En fait, Ozzy s’est surtout bien entouré pour l’accompagner, avec une section rythmique solide : Duff McKagan de Guns’n Roses à la basse et Chad Smith des Red Hot Chili Peppers derrière les fûts. Moins groovy que dans son groupe, le batteur frappe juste et sait se montrer discret quand la chanson l’exige ou, à l’inverse, envoyer la sauce pour appuyer les riffs pêchus du guitariste Andrew Watt.
Également producteur de l’album, ce dernier s’est fait connaître pour ses travaux avec Justin Bieber mais chut, on préfère retenir sa contribution aux jam sessions de The Roots et son implication dans le groupe California Breed qui compte dans ses rangs Glenn Hugues (bassiste / chanteur pour Deep Purple) et Jason Bonham, fils du batteur mythique de Led Zeppelin. Sur Ordinary Man, il apporte une cohérence à l’ensemble et sa touche personnelle rend le son percutant.
L’album se conclut sur ‘Take What You Want’, avec l’un des guests les plus inattendus qui soient : le jeune rappeur américain Post Malone. Une collaboration qui passe plutôt bien ; je précise que j’apprécie autant le hip hop que le metal. Quoi qu’il en soit, si Ozzy Osbourne décidait de s’arrêter là, Ordinary Man pourrait être une excellente conclusion à sa fantastique carrière.
Membres du groupe :
Ozzy Osbourne – chant
Andrew Watt – guitare, choeurs, claviers, piano
Duff McKagan – basse
Chad Smith – batterie